Arrêt forcé à Marie Galante

Bientôt  deux mois de stationnement sur les rives de cette île paisible. Ça nous laisse le temps de l’observation.

Tout d’abord la mer tout autour pour seul amarrage. Notre parking de référence.

Et 2-3 choses qui ne changent réellement pas.

Les grosses étoiles de mer rouge qui constellent notre parcours de nage, imperturbables dans leur alignement sous marin.

De même les 4-5 tortues qui opèrent dans ce rayon d’un km. La grande, la moyenne, la baguée, celle à la patte folle , la très sauvage qui s’enfuie à toute blinde quand notre groupe de nageurs émérite franchit sa zone de pature.

2 énormes  barracudas gardant leur territoire nous font les gros yeux quand on le traverse, allant jusqu’à nous accompagner de concert.

Un gros pâté de corail abritant une murène engourdie, trois poissons tigres, un bébé langouste caché au fond de son pneu.  Tout un aréopage de poissons divers.

Un paysage monotone, dans le fond recèlant cependant une multitude de détails. Une faune animée, heureusement  indifférente au monde extérieur. Même s’il parait que l’arrêt de toute forme de circulation lui convient plutôt bien.

2-3 choses qui changent mais qui sont les mêmes.

La vue que l’on a de l’île Guadeloupe.  Un jour partiellement découverte en son sommet volcanique, l’autre totalement absorbée par les grains puis transpercée des mille feux du couchant.

Les ciels, leurs couleurs changeantes seconde après seconde, la course des nuages galopant vers l’ouest ou leur absence qui vaguement inquiète.

Les variations bleu, indigo, vert, gris ou mercure de la mer avec ses ondulations, frisures et reflets. Une palette infinie en un seul jour.

La terre possède également ses rituels.

Le cochon sous son manguier, les bœufs en leur piquets le long des chemins de canne , les boucs que l’on conduit à l’étable à grand renfort de cris tonitruants.

 

La canne qui ne peut être coupée par une main d’œuvre contrainte à l’immobilité.  Les buttes de terre noire où se disciplinent des rangées de salades vertes et craquantes, que la main d’un Richard permacultivateur des faubourgs de St Louis, soigne jour après jour.

Les arbres fiers, puissants, croulant sous leurs  fruits gorgés de jus, que seul l’alizé parvient à  émouvoir et qui poursuivent leur lente croissance sans plus se préoccuper des affres de ce monde. Les lueurs du couchant  accrochées aux murs délavés des maisons basses des ruelles quelque peu désertées..

Les longues plages silencieuses au mobilier abandonné attendant le retour d’un tourisme incertain. La guitare en sourdine échappée d’une case en retrait.

Et nos bateaux sur leurs bouées pointant tantôt l’est, tantôt le nord avec leur toiles de soleil colorées, les vêtements frais à sécher sur leur fil, les paddles qui se prélassent dans l’attente de la récréation d’enfants dorés de soleil, corps agiles toujours prêts à  s’égayer au centre de notre carte postale.

Et les amis de mouillage  les visages  tourmentés, des rides nouvelles, un air plus las, inquiets pour les proches restés dans la tourmente de ces jours de détresse. Ou bien savourant au contraire ce temps en dehors du temps. Mais de lire aussi et rire beaucoup. Et se lier d’amitié,  trouver ses âmes  soeur avec qui se projeter. Aussi dessiner, jouer, cuisiner, et pourquoi pas  une nouvelle communauté  et discuter toujours un verre d’amitié à la main défiant l’idée même d’un quelconque couvre feu.

 

Et l’émotion, plus forte que tout le reste, d’être enfin réunis à nos quatre marines, filles de la mer et de la liberté, éblouissantes de vie et de beauté.

Jours de rencontre, de connaissance et de reconnaissance qui curieusement nous nourrissent un peu, énormément,  beaucoup, pas assez..

Et bien sûr l’appel du large toujours là. Les baleines tout prêt que l’on peut entendre chanter certains jours, un désir de voile bien gonflée avec le son du sillage sur la coque…de nouveaux horizons à parcourir.

ON RÊVE.. on ne se refait pas .

Voilà ces deux trois  choses pour décrire ce temps où nous fûmes à Marie Galante .Microcosme ou  monde sans fin. C’est selon !

Salut et fraternités